Ensemble né en 2007 autour du Stabat Mater à 10 voix de Domenico Scarlatti

La liberté, 27 mars 2007

Heureux les mélomanes qui, dimanche en fin d'après-midi, ont eu l'idée de descendre en Basse-Ville de Fribourg pour assister au concert de l'ensemble Scarlatti en l'église des Augustins. Dans deux chefs-d'oeuvre du répertoire vocal, le jeune choeur a proposé, sous la direction de Marc-Antoine Emery, d'intenses instants de musique à un public attentif.En guise de prélude, Justine Pelnena Chollet interprète tout d'abord quatre extraits de la suite pour violoncelle en ré mineur de Jean-Sébastien Bach dans une expression contemplative convaincante.Les chanteurs se réunissent ensuite pour se plonger dans le surprenant Miserere de Gregorio Allegri. Cette oeuvre est en effet emblématique du répertoire choral transmis par la tradition orale. Remaniée successivement par plusieurs compositeurs, on la connaît aujourd'hui dans une version qui diffère de l'original entre autres par une ornementation beaucoup plus riche. Après quelques mesures de «prise de contact», les interprètes montrent de belles qualités d'ensemble, malgré quelques intonations délicates. Les parties successives de l'oeuvre sont éclairées de manière intelligente par une belle gamme d'expressions, ce qui rend le discours intéressant et contrarie l'aspect répétitif du motet.En deuxième partie de concert, l'ensemble s'attaque au redoutable Stabat Mater à dix voix de Domenico Scarlatti. Claveciniste de génie, connu avant tout pour son incroyable inventivité et sa virtuosité au clavier, celui-ci a néanmoins écrit une des oeuvres chorales les plus marquantes de l'époque baroque.Se laissant guider avec beaucoup d'intuition par cette extraordinaire polyphonie pleine de dramatisme, les chanteurs offrent de très beaux moments d'émotion à l'instar du splendide «Sancta Mater, istud agas». On aurait parfois désiré un engagement plus égal des différents registres pour vivre cette musique encore plus intensément.
Alexandre Rion

La liberté, 5 décembre 2012

La sublime polyphonie de l’ensemble Scarlatti séduit un public clairseméMUSIQUE CHORALE • Marc-Antoine Emery a dirigé deux concerts à Ecuvillens et Fribourg. Un pur bonheur pour les mélomanes.Donné aussi dimanche à Fribourg, à l’église des Capucins, le concert de l’ensemble Scarlatti s’est joué une première fois samedi soir à l’église d’Ecuvillens. Le public était peu nombreux, ce qui a permis une belle qualité d’écoute, très rarement aussi recueillie. Un bonheur quand on vient apprécier la polyphonie renaissante de Josquin Desprez, dont l’ensemble Scarlatti révèle la grande intériorité – rien à voir encore avec une polyphonie fastueuse, plus tardive. Il s’agit de la «Missa Pange Lingua», considérée comme le chef-d’œuvre de Josquin Desprez.
Dès la fugue du kyrie transparaît la qualité du travail vocal fait par le chef de chœur Marc-Antoine Emery et ses seize choristes. Le son est rond et dense, très homogène. Les voix fusionnent, les registres sont bien équilibrés entre eux, en tutti comme dans la division sopranos et ténors d’un côté, altos et basses de l’autre. Le petit effectif (quatre choristes par voix) aide assurément à la clarté, en tout cas on entend très nettement le contrepoint, qui fait de l’œuvre une cathédrale sonore. L’ensemble Scarlatti a aussi le mérite de chanter avec simplicité, sans trop en faire, servant des nuances subtiles. Le rythme semble à la fois régulier et souple, Marc-Antoine Emery transmet bien le sens des phrases mélodiques. Il atteint un équilibre qui fait justement partie de la musique de Josquin Desprez, une musique qui élève, sans viser la puissance sonore, une musique de dévotion plus que de concert.
Dans le credo, le compositeur fait coller la musique et le texte: Marc-Antoine Emery ralentit fortement dans l’«et incarnatus est», il rend le passage «ex Maria virgine» le plus éthéré possible, jusqu’au «et homo factus est», toujours lent mais posé, comme s’il fallait bien marquer ce qui fait le centre de la foi chrétienne. L’effet dramaturgique est évident quand vient le «crucifixus» puis «et resurrexit»: le rythme reprend, plus rapide. Seul bémol de cette interprétation sensible, dans les passages plus techniques du sanctus, avec la division des registres de femmes et d’hommes: les voix sont plus ternes, le diapason ayant probablement baissé.La suite du concert est composée de pièces plus courtes, sacrées et profanes, aussi puisées dans le répertoire polyphonique européen: un lumineux Tallis, un «O Magnum Mysterium» très intense de Victoria, le ludique coucou cocu de Clément Janequin, dans un «Chant des oyseaux» plein d’effets sautillants et piaillants chantés avec précision.
Elisabeth Haas

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